Dear Esther , c'est quoi?
C'est un jeu vidéo, ou pas , selon certains , mais pour moi c'est parfaitement un jeu , certes , on ne fait "qu'avancer" , on explore un peu , on écoute beaucoup , on savoure surtout...et on vit quelque chose , oui , on joue.
Dear Esther , c'est ca :
Ce qui suit est un test qui ne dépend que de mon expérience , mes gouts et mes sensibilités , je ne souhaite pas imposer quelque vision que ce soit.
A l'origine , Dear Esther est un mod gratuit fait à partir du Source Engine de Valve , sorti en 2008 et aprés avoir connu un succés critique auprés de divers manifestations de la scène indé , il est complètement remanié et ressort le 14 fevrier 2012 en version commerciale.
Disponible sur Mac et PC pour une dizaine d'euros , vaut-il le détour? (Pour l'instant , il n'est jouable qu'en version originale -anglais- mais un patch est prévu)
Gameplay , concept , progression et histoire :
Dear Esther vous met dans la peau d'un "narrateur" anonyme à la première personne qui tout au long de son périple va explorer une île inhabitée nimbée de mystères , jonchée d'objets "insolites" et recouverte de peintures phosphorescentes , de bâtiments en ruines , de cavernes aussi magnifiques qu'effroyables et claustrophobiques.
Le jeu ne nous propose que la possibilité de se déplacer , de "zoomer" et de nager a l'occasion , et tout cela sans aucune indication , sans aucun hud et sans aucun indice sur le déroulement du "récit".
On ne peut pas ramasser d'objet , il n'y a pas de puzzle .
Le gameplay est réduit a son simple apparat , dépouillé de fioriture , épuré , tout cela dans un souci de maîtriser le récit selon moi , la progression et la narration etant au coeur de l'expérience.A noter également l'absence totale d'interaction ave le décor ou même de combat.
Cela dit , vous pourrez trouver nombres d'objets importants et révélateurs , d'inscriptions sybillines , mais jamais on ne vous signalera que ces trouvailles participent a l'expérience , il ne tient qu'a vous d'interpréter ce qu'on vous montre implicitement ou ce que vous pouvez atteindre , surtout que c'est souvent lié a la narration.
La narration est d'ailleurs simple mais assez spéciale , le narrateur , au cours de ses pérégrinations , va réciter des fragments de lettres , que l'on pense destinées à Esther , (même si on ne sait pas la relation qui lie les deux personnages) qui vont nous en apprendre plus sur les raisons pour lesquelles il se trouve sur cette île abandonnée , cela jusqu'au dénouement.
On peut suivre le chemin principale mais il existe des chemins de traverses à explorer , ceux-ci vont nous permettre d'en découvrir plus sur les mystères de l'histoire , mais il ne faut pas se leurrer , l'aventure est assez cloisonnée et parfois on regrette certains murs invisibles qui nous empêchent de découvrir un lieu que l'on peut voir au loin , surtout que le jeu est divisé en petits chapître , il aurait été bénéfique de nous laisser une zone plus ouverte à explorer même s'il ne se passe rien, éliminant ainsi toute frustration...à moins que cela soit voulu?
Le narrateur nous fera part de ses maux intérieurs , de ses douleurs physiques , de ce qui le tiraille , toujours a demi-mots , toujours avec un certain champ a l'interprétation.On entre dans une psychologie complexe , a la fois réelle , palpable ou onirique.
Il y aura des références a certains personnages , comme "Paul" , un explorateur nommé "Donnelly" , ou encore un berger qui aurait vécu sur cette île au 17ème siècle.Le narrateur fera même allusion a un certain accident de voiture , mais je n'en dit pas plus , a vous de découvrir la suite...
Le fait que les morceaux de lettres soient récités semi-aléatoirement ajoute une cerataine replay value , mais ce qui est au coeur de l'expérience ici , c'est l'interpretation , du début au final éthéré , jamais on ne nous imposera un élément narratif construit , ce qui tend a nous laisser une fois de plus libre de toutes conclusions.
Atmosphere visuelle ,musicale et sensorielle :
Dear Esther , quand on s'y projette pour la première fois , ne peut pas laisser indifférent.
On est tout de suite happé par une ambiance visuelle poétique , enivrante au début mais qui progresse comme progresse la psychologie du personnage pour au final terminer de manière abrupte.Le rendu est saisissant , criant de vérité mais en même temps assez recherché , avec des détails visuels presques fantastiques.
Certaines textures se répètent parfois , mais les décors sont assez variés pour nous le faire oublier.Le soleil perce à travers les nuages comme si une main essayer de nous tirer hors d'un songe malveillant.Une réussite a tous les niveaux , je n'en dit pas plus tant j'ai été subjugué.
La musique elle , est omniprésente , elle va d'une simple , pure et belle mélodie au piano , a d'entêtantes "sirènes" , entre opression et surprise , stress , panique.Violoncelles et violons sont aussi utilisés et associés au mieux.
Toutes ces pistes ambiancées , éthérées , ces voix oniriques , qui nous rappellent a nos fantômes ou évoquent des moments de béatitudes.
Tout ce mélange renforce une immersion sans équivoque , un désir de rendre l'atmoshpère palpable , avec une capacité immédiate à émouvoir (le mot est fort mais bel et bien représentatif de mon vécu lorsque je jouais) , comme a mettre mal a l'aise.
D'ailleurs , la BO de Jessica Curry est dispo sur le site officiel du jeu , entre autre.Une vraie maestria qui convient parfaitement à l'ambiance qu'ont voulu inspirés les créateurs du jeu.Elle sait aussi s'absenter pendant certains moments , laissant uniquement place aux bruitages...
Et que dire des bruitages , entre les pas du narrateur , le son du vent carressant qui nous replonge sans cesse dans une nostalgie qui nous mène toujours plus loin.
Les remoues de la mer , l'éclat des cascades , les gouttes qui s'ébattent sur les rochers , tous ces guides dans le doute , la brume , tous ces partenaires durant le périple , tous ces détails nous donnent l'impression d'être entrain de vivre un de nos propre rêve...A la fois assourdissants et doux.
Autres élements important sont la voix et la respiration du narrateur , seuls fils qui nous relient a un corps bien réel , seuls indices que l'on joue bien un homme , voix belle et grave , respiration profonde et réaliste , véritables échos qui donnent corps au personnage.
Conclusion :
Libre à vous serait le maître mot de cette expérience unique qui souffle comme un réel vent de fraîcheure dans le jeu vidéo qui va plus loin que la matière originelle , ce qui représente un vrai tour de force , tout cela durant (seulement?) 2 à 3 heures.
Trop courtes , peut-être , mais parfaitement dosées et maîtrisées.
Ajoutons a cela des décors variés , beaux , inspirés , des musiques simplement inoubliables , une ambiance qui peut autant émouvoir , suprendre ou angoisser et on tient la une vraie perle rare.
Dear Esther s'impose comme une vraie petite oeuvre poétique , libre a votre interprétation , vibrante de votre expérience , vécu et désirs.
Rien n'est laissé au hasard , et pourtant , tous les élements nous sont offerts , relfets de nos choix d'interprétations.
J'aurai presque envi de citer Beaudelaire : "tu m'as donné ta boue et j'en ai fait de l'or".A ceci prêt qu'ici la boue s'apparente a un diamant brut.
Une version avec screens sur mon blog : https://www.gameblog.fr/blogs/tom-and-sev/p_65591_test-1-dear-esther-entre-beaute-interpretation-et-poesie